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Dépistage Prénatal Non Invasif : DPNI

Dr Benchimol Yéhouda29 mars 2016

Généralités

La trisomie 21 (syndrome de Down) est une anomalie chromosomique qui représente la cause la plus fréquente de malformation congénitale (malformation présente dès la naissance) et de handicap mental. Elle est due à la présence d’un chromosome surnuméraire entier ou partiel sur la 21ème paire de chromosomes.

L’individu porte alors 47 au lieu de 46 chromosomes dans les cellules de son organisme, dont 3 copies au lieu de 2 du chromosome 21 (chaque individu comportant à l’état normal 23 paires de chromosomes).

La prévalence de la trisomie 21 est d’environ 1/400. Sa fréquence augmente avec l’âge maternel au moment de la conception.

La loi prévoit que toutes les femmes enceintes soient informées de la possibilité de réaliser un dépistage de la trisomie 21 au cours de leur grossesse. Ce dépistage, pris en charge par l’assurance maladie, n’est pas obligatoire. Chaque femme enceinte est libre de choisir si elle souhaite ou non le réaliser. Un consentement écrit est demandé à chaque étape du dépistage.

Quelles sont les modalités actuelles du dépistage de la trisomie 21 ?

Depuis 2009, le dépistage de la trisomie 21 est proposé en France à toutes les femmes enceintes (arrêté du 23 juin 2009). Il repose depuis 2017 sur la combinaison de trois éléments :

  • la mesure de la clarté nucale du fœtus par échographie réalisée au 1er de la grossesse (entre 11 SA et 14 SA) ;
  • le dosage des marqueurs sériques maternels (hCG libre et PAPP-A) du 1er (entre 11 SA et 14 SA) ou, à défaut, du deuxième trimestre (entre 14 SA et 18 SA) de la grossesse (respectivement, dépistage combiné et dépistage séquentiel intégré) ;
  • le risque lié à l’âge maternel.

Ainsi, ce nouveau mode de dépistage classe les femmes enceintes en trois fourchettes à risques aboutissant à trois conduites différentes :

  • groupe à bas risque (risque < 1/1000) : le dépistage s’arrête là ;
  • groupe à risque intermédiaire (entre 1/51 et 1/1000) : proposer le test ADN libre circulant de la T21 ;
  • groupe à haut risque (risque ≥ 1/50) : caryotype fœtal d’emblée.

Ce dépistage évalue simplement la probabilité que le fœtus ait ou non une trisomie 21. Il ne permet pas de poser un diagnostic définitif.

Lorsque cette probabilité est très élevée, un diagnostic de certitude est proposé par la réalisation d’un caryotype fœtal, par choriocentèse (biopsie du trophoblaste, entre 11 et 14 SA) ou par amniocentèse (ponction du liquide amniotique, à partir de 15 SA). Ces deux modes de prélèvements sont dits « invasifs » car ils comportent un risque, bien que très faible, de perte fœtale, du fait de l’introduction d’une aiguille dans la poche amniotique ou dans le trophoblaste. Ce risque est estimé à respectivement 2/1000 et 1/1000.

La Haute Autorité de Santé actualise ses recommandations concernant le dépistage prénatal de la Trisomie 21 le 17 mai 2017

La HAS précise la place du test de l’ADN libre circulant (ADN LC T21 pour test ADN libre circulant de la trisomie 21) dans le sang maternel dans le cadre du dépistage de la trisomie 21 fœtale (décret du 5 mai 2017).

Aujourd’hui, la HAS recommande de proposer le test ADN libre circulant de la T21 après un dépistage combiné du 1er trimestre (ou à défaut après un dépistage par marqueurs sériques seuls au 2ème trimestre), aux femmes dont le niveau de risque estimé est compris entre 1/1000 et 1/51.

La place du caryotype fœtal reste inchangée : seul cet examen permet de poser un diagnostic. Pour les femmes dont le risque est supérieur ou égal à 1 sur 50, la HAS maintient sa recommandation de leur proposer d’emblée la réalisation d’un caryotype fœtal, mais en intégrant la possibilité pour celles qui le souhaiteraient de réaliser dans un premier temps un test ADN.

En suivant ces nouvelles recommandations la HAS évalue que le taux de détection augmenterait d’environ 15% tandis que le nombre de caryotypes fœtaux serait divisé par quatre.

ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel

Chez chaque individu circulent dans le sang des petits fragments de matériel génétique appelés « ADN libre circulant ».

Chez une femme enceinte, ces petits fragments de matériel génétique proviennent à la fois d’elle-même que du ou des fœtus qu’elle porte.

Dès la 5ème semaine de grossesse des petits fragments de matériel génétique d’origine fœtale sont libérés dans la circulation maternelle. Ces fragments d’ADN fœtal représentent environ 10% de la totalité des fragments circulants dans le sang maternel (de 2 à 40%).

Ce matériel génétique fœtal est libéré de manière continue à partir du placenta pour passer dans la circulation maternelle. Son taux au sein de l’ensemble du matériel génétique circulant dans le sang maternel est appelé « fraction fœtale ».

ADN1

Cette « fraction fœtale » a tendance à s’accroitre au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse puis disparait en moins de 48h heures suivant l’accouchement.

Plus la « fraction fœtale » est élevée, plus l’analyse de l’ADN fœtal circulant est fiable et précise. On considère que l’analyse est très fiable au delà d’un taux d’ADN fœtal supérieur à 4% de l’ensemble de l’ADN circulant.

Le dépistage prénatal non invasif

C’est en 2011 que l’analyse de l’ADN libre circulant dans le cadre du dépistage de la trisomie 21 a été mise sur le marché.

Ainsi, à partir d’un simple prélèvement sanguin maternel, l’ADN libre circulant est purifié puis analysé grâce à des techniques de séquençage génétique et de quantification des marqueurs spécifiques des chromosomes 21, 13, 18, X et Y (le séquençage à très haut débit permet d’analyser rapidement plusieurs millions de molécules d’ADN et de faire le rapprochement avec le chromosome correspondant). Il est devenu possible de détecter la présence d’ADN fœtal qui circule dans le sang maternel, dès la 11 SA.

A partir de la 10ème semaine de grossesse le taux d’ADN fœtal dépasse généralement 4% de l’ensemble de l’ADN circulant et son analyse est alors considérée comme étant très fiable.

Ces nouvelles techniques permettent de dépister les trois principales trisomies (21 syndrome de Down, 13 syndrome de Patau et 18 syndrome d’Edwards) ainsi que les anomalies des chromosomes sexuels X (syndrome de Turner) et Y (syndrome de Klinfelter) à partir d’une simple prise de sang maternel.

Ainsi, en l’espace de quelques années et par l’évolution des techniques, la sensibilité du dépistage non invasif de la trisomie 21 est passée de 90 à 99%.

La réalisation de ce dépistage non invasif permet de réduire considérablement le nombre d’amniocentèses et de choriocentèses réduisant ainsi le nombre de pertes fœtales.

Il est donc possible aujourd’hui d’effectuer le dépistage de la trisomie 21 et de certaines autres anomalies chromosomiques par une simple prise de sang maternel, tout en évitant un bon nombre d’examens invasifs effectués jusqu’à présent par excès, du fait de la faiblesse relative de la pertinence des anciennes techniques de dépistage.

Il est impératif d’effectuer avant le DPNI l’échographie du premier trimestre, entre 11 et 14 SA et le dosage des marqueurs sériques maternels. Le DPNI n’est pas recommandé comme un examen de première ligne.

Un résultat négatif de DPNI n’exclut pas à 100% la possibilité d’une trisomie 21 ou d’une autre anomalie chromosomique

Un résultat positif de DPNI doit être confirmé par un caryotype fœtal (choriocentèse ou amniocentèse)

Un résultat ininterprétable de DPNI implique de refaire un test ADN ou de faire un caryotype fœtal

Un résultat négatif de DPNI n’exclut pas à 100% la possibilité d’une trisomie 21 ou d’une autre anomalie chromosomique

Un résultat positif de DPNI doit être confirmé par un caryotype fœtal (choriocentèse ou amniocentèse)

Un résultat ininterprétable de DPNI implique de refaire un test ADN ou de faire un caryotype fœtal


Performances du dépistage par le DPNI

Les performances d’un examen de dépistage s’expriment par différentes notions de probabilité :

La sensibilité d’un test est la probabilité que le test soit positif si la personne est atteinte de la maladie. C’est le nombre de vrais positifs (tests positifs chez des personnes atteintes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes atteintes de la maladie (a/ a+c). Plus un test est sensible moins il comporte de faux négatifs (tests négatifs chez des personnes atteintes de la maladie) et mieux il permet, s’il est négatif, d’exclure la maladie. La sensibilité du DPNI pour le dépistage de la trisomie 21 est d’environ 99,3% pour une grossesse unique et d’environ 93,7% pour une grossesse gémellaire.

La spécificité d’un test est la probabilité que le test soit négatif si la personne testée est indemne de la maladie. C’est le nombre de vrais négatifs (tests négatifs chez des personnes indemnes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes indemnes de la maladie (d/ b+d). Plus un test est spécifique, moins il occasionne de faux positifs (tests positifs chez des personnes indemnes de la maladie) et mieux il permet, s’il est positif, d’affirmer la maladie. La spécificité du DPNI pour le dépistage de la trisomie 21 est d’environ 99,91% pour une grossesse unique et d’environ 99,77% pour une grossesse gémellaire. Le taux de faux positif du DPNI pour le dépistage de la trisomie 21 est d’environ 0,09% pour une grossesse unique et d’environ 0,23% pour une grossesse gémellaire.

VPP = SE x P
SE x P + (1 – P) x (1 – SP)

La valeur prédictive positive (VPP) d’un test est la probabilité que la personne soit réellement malade si son test est positif. C’est le nombre de vrais positifs (tests positifs chez des personnes atteintes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes dont le test est positif (a/a+b). La formule de Bayes permet de calculer la VPP d’un test en fonction de sa sensibilité (SE), de sa spécificité (SP) et de la prévalence de la maladie (P).

La valeur prédictive positive (VPP) d’un test est la probabilité que la personne soit réellement malade si son test est positif. C’est le nombre de vrais positifs (tests positifs chez des personnes atteintes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes dont le test est positif (a/a+b). La formule de Bayes permet de calculer la VPP d’un test en fonction de sa sensibilité (SE), de sa spécificité (SP) et de la prévalence de la maladie (P).

La valeur prédictive négative (VPN) d’un test est la probabilité que la personne n’ait pas la maladie si son test est négatif. C’est le nombre de vrais négatifs (tests négatifs chez des personnes indemnes de la maladie) divisé par le nombre total de personnes dont le test est négatif (d/ c+d).

VPN = SP x (1 – P)
SP x (1 – P) + P x (1 – SE)

Le DPNI reste un test de dépistage, bien que ses performances sont très élevées et se rapprochent de celles d’un test diagnostique.

Indications


  • Patientes présentant un risque intermédiaire (entre 1/1000 et 1/51) ;
  • Patientes d’âge supérieur ou égal à 38 ans n’ayant pas pu bénéficier du dépistage par les marqueurs sériques maternels ;
  • Antécédents de trisomies sur une grossesse précédente ;
  • Existence d’une translocation robertsonienne parentale impliquant le chromosome 21 ;
  • Patientes chez qui les marqueurs sériques ne sont pas fiables (grossesses gémellaires, marqueurs sériques hors bornes des logiciels de calcul) ;
  • Patiente non dépistée au 1er trimestre.

Risque de trisomie 21 après dépistage combiné ou séquentiel 1/100 1/1000 1/10000
 Si le DPNI est positif10 fois plus de risque de trisomie 21 que d’un faux positif Autant de risque de trisomie 21 que d’un faux positif10 fois plus de risque d’un faux positif qu’ de trisomie 21
  Faux positifs 1/1000 Faux positifs 1/1000 Faux positifs 1/1000

Non indications

Certaines situations ne relèvent pas du DPNI :

  • Hyperclarté nucale à l’échographie du premier trimestre (> 99ème percentile ou bien ≥ à 3,5 mm) : caryotype fœtal d’emblée ;
  • Présence d’une anomalie morphologique échographique : caryotype fœtal d’emblée ;

Pour ces deux cas, il s’agit d’une non indication au DPNI car il risque de méconnaitre d’autres anomalies chromosomiques déséquilibrées que celles recherches par les techniques actuelles…

HT21

Pas d’indication de DPNI !

Résultat de DPNI évocateur d’une Trisomie 21, confirmée plus tard par amniocentèse

Avantages


  • Il s’agit d’un examen très fiable et non invasif ;
  • Il peut être effectué sur les grossesses multiples, contrairement au dépistage combiné.

Risques de faux positifs

Certains facteurs augmentent le risque d’un faux positif :

  • Présence d’une mosaïque placentaire ;
  • Présence d’un jumeau évanescent ;
  • Surcharge pondérale maternelle ;
  • Présence d’une infection ;
  • Présence d’un cancer ;
  • Transfusion sanguine.

Résultats et interprétation

Les résultats sont remis au médecin prescripteur une dizaine de jours après la prise de sang.

Un test négatif n’exclue pas complètement la présence d’une anomalie chromosomique. Sa négativité divise environ par un facteur 100 les résultats du dépistage combiné pour le risque de trisomie 21 (par exemple, passant d’un risque de 1/100 à 1/10000).

Résultat d’un test DPNI sur une grossesse gémellaire

Un test positif, ne confirme pas avec une certitude absolue la présence d’une anomalie chromosomique, mais la probabilité est tout de même quasi certaine… Le diagnostic de confirmation repose toujours sur l’établissement du caryotype fœtal après amniocentèse ou choriocentèse. Ces tests ne se substituent pas aux techniques de surveillance de la grossesse, notamment échographiques.

Résultat de DPNI évocateur d’une Trisomie 21, confirmée plus tard par amniocentèse

Quelques limites de l’examen

  • Il est parfois nécessaire, lorsque la quantité d’ADN libre circulant est insuffisante, de refaire un prélèvement sanguin maternel plus tardivement dans la grossesse ;
  • Ce test ne permet pas la détection d’anomalie de structure des chromosomes ;
  • Ce test ne permet pas la détection d’anomalies chromosomiques sur d’autres chromosomes que ceux étudiés ;
  • Il ne permet pas de détecter les mosaïques ;
  • Il ne permet pas de détecter les discordances chromosomiques entre le fœtus et le placenta ;
  • Le taux d’échec est d’environ 0,2 à 0,9% ;
  • L’examen est non concluant dans environ 1 à 5% des cas.

Remboursement par l’assurance maladie

Le DPNI (dépistage prénatal non invasif), test officiellement recommandé par la HAS (haute autorité de santé) depuis mai 2017 est remboursé lorsqu’il est pratiqué dans les indications précises.

Facturé à 390 €, la HAS estime qu’environ 58 000 femmes par an devraient bénéficier de cet examen désormais pris en charge dans le cadre du dépistage de la trisomie 21.

Et après ?

Si le diagnostic montre que le fœtus n’a pas de trisomie 21, le suivi habituel de la grossesse se poursuit.

Si le diagnostic de trisomie 21 est confirmé, plusieurs possibilités de prise en charge sont proposées après une information et période de réflexion : poursuivre la grossesse en se préparant à la naissance d’un enfant avec une trisomie 21 et mettre en place un suivi adapté +/- confier l’enfant aux services de l’Aide sociale à l’enfance ; demander une interruption médicale de grossesse, comme le permet la loi en France, jusqu’au terme de la grossesse.

Crédit photo

Image par Arek Socha de Pixabay

Sources

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-11/recommandation_trisomie_21.pdf

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-01/a_2016_0004_depistagetrisomie21.pdf

http://www.acog.org/Resources-And-Publications/Committee-Opinions/Committee-on-Genetics/Cell-free-DNA-Screening-for-Fetal-Aneuploidy

New England Journal of medicine, cell-free DNA Analysis for Noninvasive Examination of Trisomy, Norton & al., 01/04/2015

Trisomie 21 : la HAS actualise ses recommandations concernant le dépistage prénatal de la Trisomie 21

JORF n°0299 du 27 décembre 2018 texte n° 7

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-01/depistage_trisomie.pdf
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