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Le trouble schizoaffectif ou schizophrénie dysthymique

Dr Asquier Thierry30 novembre 2014

Généralités

Cette affection est remarquable à plusieurs points de vue. S’il s’agit clairement d’une schizophrénie, le fait de sa périodicité dans le temps, impliquant des fluctuations de l’humeur, la rapproche également des troubles bipolaires. Cette maladie est habituellement considérée comme l’élément de transition entre ces deux groupes de pathologies, permettant d’argumenter l’hypothèse d’un continuum morbide entre les schizophrénies et les troubles bipolaires.

De façon simplifiée, le trouble schizoaffectif peut être défini par l’alternance de périodes « schizomaniaques » et de périodes « schizodépressives », mais sans intervalle libre, asymptomatique, entre ces périodes, en raison de la persistance de symptômes schizophréniques intercritiques.

Mais nous y reviendrons de façon plus approfondie.

Historique

Le concept de trouble schizoaffectif est récent. Déjà en raison des différentes évolutions nosographiques du groupe des schizophrénies tout au long du XXe siècle, mais également en raison du peu de recherches suscitées par cette entité du fait d’un long déficit de reconnaissance mondiale de cette affection.

En effet, décrite par l’école française dans les années 30 sous l’appellation « psychose schizoaffective aiguë », il fallut attendre les années 60 pour que l’expression « trouble schizoaffectif » soit utilisée pour la première fois.

Épidémiologie

Il s’agit d’un trouble peu fréquent au regard de la prévalence des schizophrénies et des troubles bipolaires, respectivement aux alentours d’1 %, puisqu’on évalue à 0,30 % la prévalence du trouble schizoaffectif.

Il existe une prédominance féminine essentiellement dans le sous-groupe dépressif, avec un âge moyen de début légèrement inférieur aux schizophrénies, c’est-à-dire chez l’adulte jeune aux alentours de 25 ans.

Il est classique de considérer que le trouble schizoaffectif touche préférentiellement la femme de bon niveau socio-économique, généralement mieux insérée socialement qu’un patient schizophrène du même âge.

Diagnostic positif du trouble schizoaffectif

Comme souvent le diagnostic est difficile lors d’un premier épisode de décomposition.

La symptomatologie emprunte à la fois de la clinique des schizophrénies et de celle des troubles bipolaires.

Selon la prédominance de la polarité positive (maniaque) ou négative (dépressive) on décrit deux sous-types de trouble schizoaffectif, sachant que tous les états intermédiaires peuvent se rencontrer. Tous les symptômes des schizophrénies et des troubles bipolaires peuvent être associés, positifs, négatifs et désorganisés entremêlés de symptômes thymiques.

Au-delà de la photographie d’une clinique riche et polymorphe à un instant donné, l’évolution diachronique de ce trouble participe au diagnostic, puisque il est nécessaire d’évaluer la périodicité des accès thymiques entrecoupés de la persistance plus ou moins manifeste d’une symptomatologie schizophrénique. Ce défaut de « nettoyage » est un argument essentiel pour distinguer le trouble schizoaffectif d’un trouble bipolaire authentique.

Pronostic

La différentiation entre schizophrénies, troubles bipolaires et trouble schizoaffectif est importante sur le plan pronostique. En effet, le pronostic du trouble schizoaffectif est intermédiaire entre un pronostic plutôt défavorable des schizophrénies et celui plus favorable des troubles bipolaires, essentiellement si on considère la fréquence des hospitalisations et l’insertion socio-professionnelle.

Également les modalités évolutives et pronostiques diffèrent selon le sous-type « maniaque » ou « dépressif », avec grossièrement un mauvais pronostic des formes maniaques surtout de début tardif.

Évolution

Au cours du temps, il existe une très forte instabilité diagnostique, la symptomatologie n’étant généralement pas fixée durant toute l’évolution de la maladie chez une même personne au cours du temps. Ainsi, certains patients évolueront plutôt sur un registre « schizophrénique », alors qu’à l’inverse, d’autres ressembleront plus aux troubles bipolaires, notamment grâce aux traitements proposés. Peut-être ceux présentant un épisode inaugural dépressif, évolueraient de façon plus stable vers un trouble schizodépressif.

Mais il faut garder à l’esprit le caractère plus péjoratif de ce trouble schizoaffectif, notamment en rapport avec une intensité plus forte, une durée plus longue, et une résistance nette des épisodes dépressifs au cours de l’évolution du trouble schizoaffectif, responsable d’une majoration des traitements, incluant une plus grande fréquence des hospitalisations, mais hélas aussi un haut risque suicidaire.

Traitement

Sans surprise, le traitement plus spécifique du trouble schizoaffectif combine des traitements centrés sur les symptômes psychotiques associés à la mise en place d’un thymorégulateur. Évidemment, les autres mesures classiques proposées dans le traitement des psychoses chroniques sont complètement indispensables, en plus du traitement médicamenteux.

Le traitement de l’épisode aigu peut-être schématisé ainsi :

  • En cas d’accès schizomaniaque on privilégiera l’association d‘un thymorégulateur avec un médicament antipsychotique atypique
  • En cas d’accès schizodépressif, on associera un antidépresseur à l’antipsychotique atypique.

Les autres moyens thérapeutiques seront bien sûr adaptés selon l’évolution et en particulier selon le degré de sensibilité ou au contraire de résistance aux traitements initiaux.

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