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Stratégies thérapeutiques des patients insomniaques

Dr Asquier Thierry27 novembre 2014

Généralités

Cet article fait suite et approfondit l’article sur les insomnies déjà publié.

Ces stratégies thérapeutiques comportent des propositions pour certaines générales, valides quel que soit le type d’insomnie présenté, et pour d’autres quelques particularités thérapeutiques.

Parmi les éléments thérapeutiques, sans doute minimaux et parfois suffisants, on peut décrire des règles d’hygiène et de régulation du cycle veille-sommeil.

Règles élémentaires d’hygiène du sommeil


  • Dormir selon les besoins et pas plus ; éviter les siestes supérieure à 1 heure ou au-delà de 16 h l’après-midi
  • Prévoir des horaires réguliers du coucher et du lever pour les personnes âgées qui ont souvent tendance à se coucher très tôt, en deçà de 20 h 00, il est important de retarder le coucher
  • Éviter caféine, le thé, l’alcool et la nicotine au-delà de 16 h 00
  • Limiter la lumière, le bruit et une température excessive dans la pièce à coucher. Cela s’explique par l’existence de « synchronisateurs » externes des « rythmes veille-sommeil » qui sont représentés par la lumière (nous sommes des animaux diurnes), mais aussi par l’existence de synchronisateurs internes, avec en particulier la température corporelle qui représente le synchronisateur interne le plus stable
  • La température corporelle commençant à baisser à partir de 20 heures, pour atteindre un point bas vers 3-4 heures du matin pour un différentiel de quasiment 1 degré entre ce point bas et la température corporelle durant la journée, on comprend dès lors qu’il n’est pas opportun de pratiquer un exercice physique au-delà de 17 h. Par contre, la pratique d’une activité physique régulière, sans nécessairement parler de sport, représente une règle d’hygiène de vie intéressante pour améliorer la qualité du sommeil
  • Éviter les repas copieux le soir.

Parfois ces règles suffisent, comme dans le cas des insomnies légères ou sans comorbidité, en particulier anxieuse et dépressive.

Mais dans le cadre des insomnies plus importantes ou associées à certaines comorbidités, ces mesures doivent être associées à d’autres mesures thérapeutiques, plus spécifiques.

Elles sont néanmoins indispensables quel que soit le type d’insomnie.

Stratégies thérapeutiques plus spécifiques à l’insomnie d’ajustement

Tout d’abord, il s’agit de dédramatiser la situation et de rassurer le patient par un soutien psychologique classique sur des bases cognitives, d’explications sereines de ce trouble du sommeil.

Évidemment, proposer et expliquer les règles d’hygiène du sommeil.

La proposition d’un sédatif se fera si nécessaire, et uniquement de façon ponctuelle, exclusivement en cas d’insomnie effective et non en « prévision » d’une insomnie redoutée.

  • Phytothérapie, et pourquoi pas des tisanes, voire placebo comme sédatif léger
  • Hypnotique type BZD ou apparenté (doxylamine) pour quelques jours et jusqu’à maximum 4 semaines.

Enfin, si la composante anxieuse est prépondérante, il pourrait être intéressant privilégier la prescription d’un anxiolytique benzodiazépinique en début de nuit plutôt qu’au coucher, et présentant une durée d’efficacité d’une dizaine d’heures.

Insomnies chroniques

L’ancienneté de ces insomnies peut remonter à des mois ou des années.

Avant d’envisager la démarche thérapeutique, il est indispensable :

  • D’identifier d’éventuels traitements hypnotiques antérieurs qui souvent ont été pris de façon inappropriée
  • De savoir que l’efficacité des traitements prolongés n’a pas été démontrée et qu’il existe un risque d’accoutumance et de dépendance en particulier psychique, mais également parfois physique
  • De savoir que le traitement hypnotique lui-même peut être un facteur d’entretien de l’insomnie (effet rebond à l’arrêt).

Que l’insomnie s’accompagne ou non d’une comorbidité, il convient de favoriser le contraste « veille-sommeil » :

  • Sur le versant éveil par le renforcement des synchronisateurs (lumière diurne, exercice physique, horaires réguliers et sevrage des hypnotiques devenus inefficaces).

La stimulation de l’éveil diurne, sauf en fin de journée, améliore le sommeil nocturne.

  • Sur le versant sommeil par des techniques cognitivo-comportementales (relaxation, en particulier selon la méthode du « training autogène de Schultz »), mais sur plusieurs mois.

La prescription d’hypnotique à faible dose et ponctuellement peut se réaliser dans le cas d’insomnies chroniques sévères du fait de leur variabilité importante au cours de leur évolution prolongée sur des mois.

Critères de prescription d’un hypnotique

Il est recommandé de prescrire les hypnotiques seulement pour des courtes périodes, de quelques jours à 4 semaines maximum, incluant la période de réduction progressive. En effet, différentes études scientifiques ont montré sans ambiguïté qu’au-delà de ces 4 semaines, l’efficacité devient identique à celle d’un placebo.

Le changement d’un hypnotique pour un autre n’est justifié que si le patient présente des effets indésirables en rapport direct avec le produit utilisé ou dans le cadre d’un sevrage d’hypnotiques.

Aucun produit n’a l’indication insomnie chronique et donc d’usage chronique.

Les produits benzodiazépiniques (BZD) et apparentés à demi-vie courte ou moyenne doivent être préférés en raison d’effets résiduels diurnes moindres, telle qu’une somnolence persistante.

Les antidépresseurs n’ont pas fait la preuve de leur intérêt dans l’insomnie en dehors d’une coexistence avec un état dépressif majeur.

Les antihistaminiques H1 bénéficiant de l’indication insomnie peuvent être intéressants chez l’adulte et doivent être utilisés avec précaution chez le sujet âgé en raison d’effets secondaires et indésirables notables, en particulier en cas de certaines pathologies (Glaucome).

La phytothérapie est d’efficacité modeste, peut-être peut-on privilégier la valériane.

La mélatonine n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Les erreurs à éviter


  • Prendre un hypnotique de façon systématique ou à distance de l’heure théorique de l’endormissement souhaitée. Prendre un hypnotique plusieurs heures avant le coucher et au-delà d’une certaine heure durant la nuit (au-delà d’une heure du matin) ne sont pas des bonnes idées
  • Associer deux anxiolytiques ou deux hypnotiques
  • Méconnaître une dépression ou une autre affection psychiatrique et donc ne traiter symptomatiquement que le trouble du sommeil isolé, fait courir un double risque : celui de l’inefficacité et celui de l’absence de traitement de l’affection sous-jacente
  • Méconnaître un syndrome d’apnées du sommeil, potentiellement renforcé par certains traitements à visée sédative. (BZD)
  • Prescrire un hypnotique en présence d’une pathologie respiratoire
  • Arrêter brutalement un traitement hypnotique, cet arrêt ne devant se faire qu’avec les conseils de votre médecin prescripteur.
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