Ressources scientifiques

La trichotillomanie, une addiction gestuelle

Dr Seznec Jean-Christophe16 janvier 2015

Introduction

La trichotillomanie consiste en l’arrachage compulsif des cheveux, des poils ou des sourcils pouvant aboutir à une alopécie plus ou moins importante. Il s’agit d’une addiction gestuelle.

Épidémiologie

Ce trouble touche principalement les femmes. Sa prévalence estimée est de 2 %. Cependant, il est difficile de bien évaluer l’occurrence de ce trouble qui est méconnu, caché et vécu comme honteux.

Il apparaît principalement à l’adolescence ou à la préadolescence (c’est-à-dire juste avant la puberté). On retrouve un autre pic de fréquence chez les petits enfants comme dans les troubles alimentaires.

Clinique

Cet arrachage se fait plutôt en fin de journée. Il a comme fonction de purger la tension que suscitent certaines activités qui nécessitent de l’attention comme lire, téléphoner, regarder la télévision, travailler à l’ordinateur, réviser ses cours, etc. Cet épluchage est une fausse bonne solution pour s’apaiser. Cet arrachage se fait soit de façon méthodique soit sous forme de crise (craving) dans un état de semi-conscience où la personne part dans un vagabondage pour se reconnecter à la réalité en constatant le tas de cheveux à ses pieds.

Le craving est une envie furieuse, irrépressible de faire un comportement addictif comme fumer, boire, manger ou s’arracher les cheveux.

Les cheveux arrachés sont soit jetés sur place, cassés en deux ou mis en boule. De nombreuses personnes s’arrachent les cheveux pour avoir le plaisir de croquer le bulbe.

Ce trouble est vécu comme honteux car il sort de la compréhension des personnes qui en souffrent alors qu’elles vont bien par ailleurs.

Comorbidité

On retrouve une comorbidité de la trichotillomanie avec les troubles de l’attention, la procrastination et plus rarement avec les troubles bipolaires. Ces comorbidités sont à traiter en priorité afin de diminuer les facteurs de vulnérabilité au comportement de trichotillomanie.

Compréhension du trouble

Ce trouble est particulièrement méconnu des psychiatres comme des dermatologues. En fait, il s’agit d’un comportement d’auto-toilettage (comme les singes qui s’épouillent), habituellement absent chez les hommes, qui se réveille à l’occasion d’une tension. La simple confrontation avec l’adolescence qui est un moment où la jeune femme se retrouve confrontée à des vagues émotionnelles qui peuvent la dépasser, suffit à déclencher une trichotillomanie ce d’autant qu’elle ne sait pas comment s’apaiser.

L’apprentissage de l’apaisement se fait notamment par les contacts tactiles que les parents procurent à leur nourrisson. Il a été observé que les personnes souffrant de trichotillomanie avaient eu des parents qui avaient plutôt privilégié une relation intellectuelle avec leur bébé qu’une relation via le toucher avec des câlins.

Comme le trouble est extrêmement toxicomaniaque, il peut persister pendant de nombreuses années alors que les facteurs qui ont généré son apparition ont disparu depuis longtemps et évolué sous une forme de stéréotypie.

Au final, il faut comprendre ce trouble comme une fausse bonne solution pour s’apaiser et pour purger les tensions générées par le simple fait de vivre.

Évolution

Il ne s’agit pas d’un trouble grave mais d’un trouble handicapant car il peut avoir des répercussions sociales. En effet, les patientes vont passer des heures le matin afin de masquer les trous et vont éviter les situations où elles peuvent être “découvertes” comme la piscine, le vent, la mer, etc.

Ce trouble extrêmement toxicomaniaque peut durer des dizaines d’années en l’absence de traitement.

Traitement

Le traitement de la trichotillomanie suit le parcours du traitement du tabac et de l’alcool. C’est un long parcours émaillé de rechutes dont la compréhension sert à améliorer la relation à soi. L’objectif n’est pas de guérir mais d’être “trichotillomane abstinente”. Dans un premier temps, il sera nécessaire de dédramatiser la pathologie pour le patient et son entourage. Ensuite, on va travailler la zen attitude.

Principes thérapeutiques


  • L’objectif du traitement est de faire attention de ne pas élever son niveau de tension intérieur et de développer des compétences d’apaisement ;
  • Les domaines participant à l’apaisement sont le lien social et les états du corps ;
  • Les activités corporelles comme le massage, le Yoga, le Qi gong, la marche consciente sont très utiles. Apprendre des techniques de relaxation et de respiration ;
  • Développer d’autres gestes d’apaisement ;
  • Observer, conscientiser et se défusionner de ses pensées afin de diminuer les énervements sources de tension ;
  • S’ancrer dans l’instant présent ;
  • Prendre de la distance avec sa zone d’addiction en utilisant un volumateur en cas de zone d’alopécie.

Le traitement psychothérapeutique


  • La psychothérapie la plus adaptée est la thérapie ACT (acceptation et commitment therapy). A travers cette thérapie, la personne va apprendre à mieux gérer ses émotions et traiter son vécu intérieur et l’inconfort qu’il induit sans avoir recours à des solutions d’évitement à court terme qui vont entretenir l’addiction ;
  • La pleine conscience va permettre de développer ses capacités d’attention et de conscientiser les gestes d’apaisement ;
  • Les thérapies comportementales et cognitives ont un intérêt limité car le geste est automatique. C’est l’aspect comportemental qui va être utile en apprenant un comportement de remplacement automatique pour s’apaiser. En outre, elles vont aider à traiter la procrastination qui fait le lit à la trichotillomanie. Enfin, via la méthode Pomodoro, elles vont proposer une autre façon d’aborder le travail afin de ne pas accumuler une tension trop importante pour être purgée le soir dans un arrachage ;
  • La psychanalyse n’a aucun intérêt dans cette pathologie avec le risque de développer comme effet indésirable des ruminations culpabilisantes.

Le traitement pharmacologique


  • Il n’existe pas de traitement pharmacologique officiel de la trichotillomanie ;
  • Les antidépresseurs sérotoninergiques peuvent avoir un intérêt uniquement si la composante anxieuse est forte ce qui est rare ;
  • Le traitement le plus efficace empiriquement est le bupropion. Il s’agit d’un antidépresseur dopaminergique ayant une forte action anti-craving commercialisé en France dans le cadre du sevrage tabagique. Sous ce traitement, les crises de trichotillomanie semblent moins fréquentes et moins intenses.
À lire aussi
Top
Gestion des cookies